Quand je suis arrivée à Paris et que j’ai découvert toutes les « grandes maisons » de la place Vendôme, j’ai été impressionnée par cette grande tradition française de haute joaillerie. J’ai eu envie de comprendre l’origine de cette tradition.

Agnès Sorel

Au 15ème siècle, sous le règne de Charles VII brille un personnage, qui fut  peut-être la toute première ambassadrice du raffinement français : Agnès Sorel. Elle était dame de compagnie d’Isabelle d’Anjou, la belle-sœur de la reine Marie d’Anjou, quand, un jour de 1443, on la présenta, à l’occasion d’une fête, au roi Charles VII. Elle avait 21 ans. Celui-ci tomba immédiatement fou amoureux de cette jeune femme, aussi belle qu’intelligente, aussi fine d’esprit et sensible, qu’extravagante et provocatrice. Malgré leur grande différence d’âge et le physique peu avenant du roi, Agnès se laissa séduire, devint sa maîtresse et première favorite officielle, ce qui ne s’était encore jamais vu. Jusque-là, les maîtresses restaient dans l’ombre. La belle Agnès, en revanche, ne vivait pas seulement sous le même toit que le roi, elle s’impliquait aussi dans les affaires de l’Etat et l’on écoutait ses conseils.

Son extravagance provocatrice et son art de vivre s’imposa à la cour. Comme elle était brillante et puissante, la cour l’imitait. Et en ce temps-là, les autres cours d’Europe imitaient toutes la cour de France…

Agnès Sorel avait inventé le décolleté. Bordées de fourrures de martre ou de zibeline, les traines de ses robes étaient interminables. Elle arborait de vertigineuses coiffes pyramidales. Lors d’un tournoi, elle se présenta vêtue d’une armure en argent, incrustée de gemmes. Elle portait des colliers de perles et c’est sur elle qu’on vit le premier diamant taillé en Occident. Elle se mettait du rouge à lèvres, ce qui était interdit au moyen âge et elle introduisit à la cour des soins du corps orientaux, comme les massages et les bains parfumés.

Je vous ai parlé d’Agnès Sorel, car la renommée de la joaillerie, comme celle de la mode ou du parfum, est liée à l’image d’un « savoir-vivre », d’un certain raffinement français. Aujourd’hui encore, la « Parisienne » séduit, fascine. Elle reste une avant-garde, parfois provocatrice, mais toujours source d’inspiration pour beaucoup de femmes dans le monde entier.

Les joyaux de la couronne

Mais le savoir-vivre » ne suffit pas pour instaurer une tradition, il faut aussi du « savoir-faire ». Ainsi, les commandes de bijoux importants pour constituer la collection des  «joyaux » ou  « diamants de la couronne » ont joué un rôle important dans le développement du secteur de la joaillerie pendant des siècles. C’est François 1er qui a initié cette collection en 1530, après son retour de captivité de Madrid. Il avait, pour sa libération, payé Charles Quint en partie avec les bijoux que Charles V avait collectionnés au 14ème siècle. François 1er par la suite créa, comme une sorte d’assurance, la collection des joyaux de la couronne qui devait être « un trésor inaliénable, contrôlé par la chambre des comptes, dont le souverain aurait la jouissance et pourrait être mises en gage en cas de malheur ».

Cette initiative a fit de François 1er le souverain d’Europe, le plus riche en bijoux. Par la suite, la collection a continué à s’enrichir,  surtout à l’époque de Louis XIV et de Napoléon Bonaparte.

D’une manière générale, les souverains successifs ont fait démonter et remonter les joyaux  sans cesse, pour les mettre au goût du jour. Les bijoux n’ont donc pas traversé les siècles dans leurs montures d’origine depuis François 1er. Mais à la fin du XIXème siècle – avant d’être bradés lors d’une vente aux enchères – les joyaux de France n’avaient pas d’équivalent en termes d’ancienneté, de diversité et de qualité du travail artisanal en Europe.

Pour revenir à François 1er, il fut l’un des premiers rois à comprendre que le rayonnement artistique d’un pays pouvait contribuer à lui conférer une image de puissance et il a donc fait de nombreux cadeaux et participé ainsi à la notoriété du savoir-faire français en Europe. Les bijoux offerts en cadeau diplomatique par François 1er étaient copié par les artisans des autres pays. D’autre part, les bijoutiers et graveurs publiaient des catalogues avec les dessins de leurs créations, qui étaient diffusés dans toute l’Europe et tout le monde s’en inspirait.

Émergence des grandes maisons

Au moyen âge, les métiers étaient organisés en corporations. C’étaient des associations obligatoires, dans lesquelles toutes les questions juridiques, sociales ou techniques étaient règlementées. Depuis Henri IV, le droit d’exercer le métier, était attribué par le roi.

L’abolition des corporations pendant la révolution, en 1791, a « libéralisé » le métier et donné plus d’importance à des joailliers ayant déjà un nom.

Etienne Nitot par exemple, installé depuis 1780, a fabriqué les diadèmes pour l’impératrice Marie-Louise ainsi que la tiare offerte au pape Pie en 1804. Il est le fondateur de la maison CHAUMET.

Avec la colonisation et l’industrialisation, le faste revient en France. La bourgeoisie s’enrichit et prend de l’importance par rapport à l’aristocratie. Paris retrouve son rayonnement international. Les expositions universelles à Paris en 1855 et 1867 attirent une clientèle étrangère qui, à partir de 1898, loge souvent au Ritz, place Vendôme. Les joailliers recherchent la proximité des industriels millionnaires et quittent peu à peu le Palais Royal pour s’installer place Vendôme, qui devient le centre de la haute joaillerie.

La place Vendôme, à Paris est le centre de la haute joaillerie.

La place Vendôme, à Paris est le centre de la haute joaillerie.

Louis-François CARTIER s’établit en 1847. Il introduit le style « guirlande » et l’utilisation du platine à partir de 1900. Ce métal était jusqu’alors réservé aux bijoux fantaisie.

Frédéric BOUCHERON s’installe en 1858. C’est dans les années 1910 que Boucheron que cette maison expérimente de nouveaux procédés : l’alliance bois et ivoire sur or et l’émail cloisonné par exemple.

En 1906, c’est autour de Van Cleef and Arpels (VCA)  de rejoindre le cercle des grandes maisons.  L’invention du serti mystérieux contribue à la célébrité de la maison.

A partir des années 90, les couturiers s’investissent  dans la joaillerie et changent profondément son fonctionnement, mais cela est une autre histoire…..

Liens:

Les bijoux au 16ème siècle

Les bijoux au 17ème siècle 

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